L’équation italienne se complique

Les lignes bougent sans que cela soit toujours très perceptible. Les tractations qui suivent l’injonction des juges de Karlsruhe à la BCE en sont une illustration parmi d’autres. Le Bundestag ayant stoïquement décidé par la voix de son président Wolfgang Schäuble de ne rien faire, des parlementaires européens allemands tentent de jouer les médiateurs afin de sortir la Bundesbank de son mauvais pas, espérant que le Parlement européen sera mieux disposé. Un heureux évènement doit-il être attendu ? Cela donnerait raison à Isabel Schnabel, membre du conseil des gouverneurs de la BCE, qui s’est déclarée confiante, mais cela ne changera pas la face de l’Union européenne, car d’autres complications se présentent.

La confiance ne régnant pas au niveau européen, le gouvernement italien étudie une acquisition de la Bourse de Milan afin de reprendre le contrôle de ses infrastructures financières et de préserver autant que se peut les intérêts du pays. L’occasion pourrait lui en être donnée à la suite de la fusion entre le London stock exchange et le groupe Refinitiv qui serait susceptible d’obliger la nouvelle entité à céder une partie de ses actifs afin de satisfaire aux exigences des autorités de Bruxelles. L’objectif poursuivi par Giuseppe Conte, le chef du gouvernement, serait de s’assurer le contrôle de MTS, la plate-forme d’échange d’obligations souveraines de la Bourse.

Les autorités italiennes s’efforcent de diminuer leur dépendance aux marchés financiers et poursuivent à cette fin leur objectif de mobiliser une part des très importants dépôts bancaires des italiens, qui ont augmenté de 20 milliards d’euros depuis le démarrage de la crise et dépasseraient 1.500 milliards d’euros au total. Une tentation qui pourrait être partagée par le gouvernement français, à moins qu’il soit estimé que la défiance ambiante à son égard ne s’y prête guère.

La Banque d’Italie va acheter la dette du pays pour le compte de l’Eurosystème et les banques commerciales du pays vont également être mises à contribution en les fragilisant. Le fameux nœud gordien les liant à l’État va s’en trouver renforcé, exactement le contraire de ce qu’il faudrait…

Les reconfigurations politiques se poursuivent dans le pays, lourdes de changement. Selon les sondages, la majorité actuelle de centre-gauche est devenue minoritaire au profit du centre-droit, fruit d’une forte progression de la formation d’extrême-droite Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni qui atteint plus de 16% des intentions de vote. La Lega de Matteo Salvini est créditée de 24% et l’ensemble dépasse les 48% avec le parti de Silvio Berlusconi, Forza Italia. Un score supérieur à celui du PD allié au Mouvement des 5 étoiles, à deux petits partis et aux Verts.

Le temps de l’actuel gouvernement semble compté, alimentant la dynamique du démantèlement de l’Europe. Pour l’enrayer, il faudrait un sursaut européen sur de nouvelles bases, est-ce bien concevable ?

12 réponses sur “L’équation italienne se complique”

    1. MTS (Mercato dei Titoli di Stato) est le principal marché électronique d’emprunts d’État de la zone euro. C’est une positon stratégique qui procure une vision de ce marché : qui achète quoi ?

        1. Je laisse François répondre bien sûr, mais c’est en tout cas une position radicalement opposée à celle de Paul Jorion qui voit dans ces mêmes traités la possibilité d’une politique bienveillante de la part d’une Allemagne hégémonique :

          « Il ne restait plus qu’à attendre que l’Allemagne endosse son habit de puissance hégémonique bienveillante. Un arrêt de sa Cour constitutionnelle le 5 mai lui en a offert l’occasion… »

          https://www.lecho.be/opinions/carte-blanche/l-allemagne-a-la-hauteur-des-esperances-de-keynes-enfin/10230319

          1. Même si je pense que l’appel à la création monétaire de la BCE élude la responsabilité politique, je ne crois pas qu’il existe au sein du capitalisme financier une frontière si délimitée entre la politique monétaire et la politique tout court !

  1. Bonjour François,

    Je ne sais pas si vous êtes tombé sur ce document de la Fed d’Atlanta qui prévoit un recul du PIB de -51,2% au T2 contre -42% il y a une quinzaine de jour. Les émeutes risquent de ne pas arranger la chose. -51,2%, cela ressemble tout de même furieusement une apocalypse !

    https://www.frbatlanta.org/cqer/research/gdpnow

    Juste une question anxieuse : quel crédit apportez-vous à cette prévision, tout en sachant que nous sommes désormais proche de la fin du T2 ? Moi, je suis tout de même mort de trouille !

    1. Bonjour JT,

      1) -42% ou -51,2 % quelle différence ?
      Dans tous les cas cela plonge fortement dans un environnement général qui de toute évidence était grandement fragilisé avant le Covid19.
      2) Apocalypse ? Non, mutation dans la douleur inévitable au vu de l’impréparation de nos sociétés aveuglées par le profit immédiat et illimité alors que notre environnement est fini.
      3) les émeutes sont à dissocier du problème économique de fond aux USA. Un point de non retour pourrait être atteint avec Trump au pouvoir qui visiblement attise le feu.
      4) une guerre civile aux USA n’est pas à exclure avec des conséquences majeures au vu du nombre d’armes en circulation
      5) Mort de trouille au T2 ? Attendez le T3 et le T4.
      Pas de vaccin en vue, pas de traitement à court terme. L’automne et l’hiver qui approcheront dans l’hémisphère nord offriront des conditions de prolifération idéales à ce virus.
      6) Réapparition massive du virus en Octobre et reconfinement généralisé … fermeture des marchés financiers et tous sous la couette avec maman.
      7) …
      8) …
      9) Conflit USA- CHINE.

      Le pire n’est jamais certain et profitons (profitez !) de ces belles journées ensoleillées que la vie nous offre. Demain sera un autre jour.

    2. Les prévisions n’engagent que ceux qui les croient ! Quand l’incertitude domine à ce point, elles sont vaines.

  2. Connaissez-vous la cliodynamique (de Clio, fille de Zeus et Muse de l’Histoire) ?

    C’est un modèle statistique développé par Peter Turchin qui cherche à modéliser l’Histoire. Non qu’il cherche à prouver que celle-ci est cyclique et obéit à des « lois » aussi universelles que mystérieuses, mais qu’il pense qu’il est possible de modéliser certaines variables présentes dans toutes les crises. L’Histoire relevant – au moins pour partie – de la théorie des probabilités, la prédiction deviendrait alors possible selon Turchin.

    En 2012, bien avant Donald Präsident-Rex, notre homme, professeur à l’Université du Connecticut avait déclaré que son modèle prévoyait une vague de violence révolutionnaire en 2020, en raison de la conjonction de trois marqueurs majeurs : des élites trop nombreuses pour les places disponibles, une destruction rapide du niveau de vie des classes moyennes et l’atteinte de certains paliers d’endettement par l’État.

    La modélisation de l’histoire prédit un cycle de crises dès 2020
    https://korii.slate.fr/et-caetera/scientifiques-big-data-donnees-modelisation-histoire-anticiper-prevoir-avenir

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